L’opposant politique Clément Mierassa , président du Parti Social Démocrate Congolais, PDSC, a affirmé lors d’une conférence de presse tenue le 5 avril dernier à Brazzaville, que le président Denis Sassou Nguesso ne pouvait pas être candidat à l’élection présidentielle de 2026, au motif qu’il aurait violé plusieurs dispositions de la Constitution de 2015, notamment en ne déclarant pas son patrimoine et en continuant d’exercer une responsabilité politique au sein du Parti congolais du travail (PCT).
Contacté par Fact-Check Congo, Mierassa nuance ses propos :
- Il rappelle que l’article 65 de la Constitution limite le mandat présidentiel à cinq ans renouvelable deux fois ;
- Il insiste sur l’article 69, qui impose une condition de bonne moralité aux candidats ;
- Il affirme que la reconduction de Denis Sassou Nguesso à la tête du comité du travail du PCT constitue une violation manifeste de l’article 80, alinéa 2, qui stipule l’incompatibilité entre le mandat présidentiel et toute responsabilité partisane ;
- Enfin, il souligne que la Cour constitutionnelle s’est déclarée incompétente sur cette question, tout en appelant les juristes à trancher sur l’application possible de la clause de moralité, au vu de l’absence de déclaration de patrimoine.
Que disent les textes ? Et que peut-on vérifier objectivement à ce jour ? Fact-Check Congo a mené l’enquête.
Déclaration de patrimoine : une obligation légale, mais difficilement vérifiable
L’article 55 de la Constitution du 25 octobre 2015 dispose :
« Tout citoyen élu ou nommé à une haute fonction publique est tenu de déclarer son patrimoine lors de sa prise de fonction et à la cessation de celle-ci, conformément à la loi. »
Cette obligation est précisée dans la loi n° 4-2019 du 7 février 2019 et dans le décret n° 2019-320 du 12 novembre 2019.
En avril 2022, l’article 6 de cette loi a été jugé partiellement inconstitutionnel par la Cour constitutionnelle, via la décision n° 002/DCC/SVA/22 du 14 avril 2022, ce qui a gelé sa mise en œuvre.
Un correctif a été apporté avec la loi n° 15-2024 du 27 mai 2024, qui remet en vigueur une base légale plus claire.
Pour Nina Cynthia Kiyindou, directrice exécutive de l’Observatoire Congolais des Droits de l’Homme, tout citoyen occupant les fonctions publiques est assujetti au respect de la loi :
« Même le président est assujetti à cette obligation. Mais dans la pratique, ces dispositions ne sont pas respectées. »
Pour sa part, l’auteur des propos en vérification, Mierassa, contacté par Fact-Check Congo, estime que l’absence de déclaration constitue une atteinte à la moralité exigée par l’article 69, et pose donc la question de l’éligibilité.
La déclaration de patrimoine est bel et bien obligatoire. Mais en l’absence de transparence publique ou de mécanisme de contrôle externe, il est impossible d’établir une infraction formelle, ni d’en tirer automatiquement une conséquence d’inéligibilité.
Le président peut-il diriger un parti politique ? Ce que dit l’article 80
Contrairement à une idée reçue, la Constitution de 2015 interdit explicitement le cumul entre la fonction de chef de l’État et une quelconque responsabilité partisane.
L’article 80, alinéa 2, énonce clairement que « Le mandat du Président de la République est également incompatible avec toute responsabilité au sein d’un parti politique. »
Et l’article 68 ajoute que « Le Président de la République est le chef de l’État. Il est le garant de l’unité nationale. »
Pour Nina Cynthia Kiyindou, cela signifie qu’un président élu doit s’effacer totalement de la vie d’un parti :
« Dans la pratique, ces dispositions ne sont pas respectées. Or, le respect de la légalité est un indice de l’État de droit, qui ne doit pas être un simple slogan. »
Un avis que partage Christian Mounzeo, président de la Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme:
« Être à la fois président de la République et chef de parti politique crée une ambivalence, source de conflit d’intérêts, qui empêche la démocratie de s’instaurer durablement », déclare-t-il à Fact-Check Congo.
Mierassa, lui, affirme que la reconduction de Denis Sassou Nguesso à la présidence du comité du travail du PCT constitue une violation claire de cet article, qui, selon lui, devrait entraîner une sanction constitutionnelle.
Il sied de noter que tous les juristes contactés par Fact-Check Congo pour donner un avis sur cette question ont décliné toute prise de position officielle.
Conclusion : Les propos de Clément Mierassa sont-ils juridiquement fondés ?
Deux affirmations, deux niveaux de solidité juridique :
- Sur la déclaration de patrimoine, l’obligation existe. Mais faute d’un dispositif de transparence, aucune preuve publique ne permet de démontrer une infraction ni d’invoquer automatiquement une inéligibilité. L’invocation de la bonne moralité reste une interprétation ouverte.
- Sur le cumul des fonctions, la Constitution est formelle : le président ne peut exercer aucune responsabilité au sein d’un parti politique. Si cela est avéré, il s’agit d’une violation constitutionnelle.
Conclusion de Fact-Check Congo:
- Sur le patrimoine : obligation confirmée, mais pas de preuve publique de violation : non vérifiable
- Sur la fonction partisane : interdiction formelle confirmée et les propos de Mierassa juridiquement fondés si le cumul est avéré.