Depuis plusieurs semaines, un message circulant de manière virale dans plusieurs groupes Whatssap de la République du Congo prétend qu’une méthode issue de la médecine traditionnelle chinoise, consistant à piquer les dix doigts d’une personne victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC) avec une aiguille, pourrait la sauver. Cette pratique, bien que largement relayée, est non seulement inefficace mais également dangereuse, selon des experts médicaux et des études scientifiques.
Fact-Check Congo a vérifié.
Ce que disent les médecins : une méthode sans fondement
Pour rappel, la méthode contenue dans cette affirmation virale tire son origine de la médecine traditionnelle chinoise, l’acupuncture.
Dr Kevi Silvere , médecin de travail à Lomé au Togo, dénonce cette affirmation qui est sans fondement scientifique selon lui.
« Cette information est fausse. Demandez aux populations de se rapprocher des professionnels de santé et spécialement les neurologues ! », a-t- il répondu à Fact-Check Congo.
Le professeur Thierry Yandza , Chef du projet de réforme de l’enseignement paramédical au sein du Ministère de l’Enseignement technique et Professionnel en République du Congo réfute également ces affirmations : » Le contenu n’est pas prouvé scientifiquement. De plus, le mécanisme de l’AVC n’a rien à voir avec ce qui est décrit. » déclare t-t- il à Fact-Check Congo.
De son côté, le Dr Eckoba Jean Baptiste , Gynécologue Obstétricien évoluant à Brazzaville, a réagi :
« Ce message tel que véhiculé est faux ! Un AVC est une urgence médicale qui se produit dans les voies par lesquelles passe le sang. C’est établi que l’acupuncture a des vertus sur la douleur, et non sur la maladie, cela n’a jamais été prouvé. Ça fait partie de traitement de soutien et non d’urgence ! Si cela était ainsi, ce serait trop facile et moins coûteux que de se faire traiter en urgence/ Il y a des professionnels qui doivent faire l’acupuncture, ce n’est pas donné à tous ! Meme dans le secourisme, il y a des principes à respecter pour ne pas aggraver l’état de la personne malade » explique-t-il.
Pour le docteur Edgard Mouandza, neurologue résident à Dakar au Sénégal, « quand bien même il n’a rien contre la médecine traditionnelle (faisant référence à l’acupuncture) qui n’est pas à négliger, il est important de noter qu’il n’existe aucune preuve scientifique des effets bénéfiques de l’acupuncture sur l’AVC », nous dit-il.
« Il est important de souligner qu’un AVC est un accident et on ne guérit pas d’un accident. Le cerveau a deux parties gauche et droite, lorsqu’une artère est touchée, la seconde peut être selon certains mécanismes, en train de compenser le risque subi par l’autre, de manière naturelle et physiologique. », dit- il à Fact-Check Congo.
Les preuves scientifiques : une mise en garde contre les mythes
Les recherches effectuées sur Google avec les mots clés suivants « physiopathologie de l’accident vasculaire cérébral » ont permis à Fact-Check Congo de comprendre les causes et les mécanismes de l’AVC. Dans cet article de l’Institut du cerveau, on découvre par exemple que l’hypertension artérielle est le facteur majeur de risque d’AVC. On y découvre aussi les autres mécanismes biologiques de l’AVC. Dans cet autre article du campus neurochirurgie, on découvre de manière plus explicite les troubles fonctionnels d’un organisme ou d’un système organique et de ses réactions lors d’une l’ischémie cérébrale ou AVC.
Des études disponibles sur PubMed et d’autres bases scientifiques confirment l’absence de preuves sur l’efficacité de cette méthode.
Cet article scientifique publié dans la revue pubmed, et axé sur les ‘Lésions neuronales dans l’infarctus cérébral et l’accident vasculaire cérébral ischémique’, il y est expliqué les mécanismes d’un AVC et son traitement.
Dans cette autre étude, il est mentionné, s’agissant de l’usage de l’acupuncture dans le traitement de l’AVC, qu’elle semble être efficace pour améliorer l’insomnie, la qualité de vie et les symptômes affectifs chez les patients ayant subi un accident vasculaire cérébral ischémique.
La seule intervention reconnue comme efficace est une prise en charge rapide dans un centre spécialisé.
Dans cet article publié en mai 2022 par AFP Factuel qui a interviewé un cabinet de médecine traditionnelle chinoise, il est indiqué que la méthode que tente de décrire cette publication est celle du « saignement des dix doigts », qui n’est juste qu’une méthode de réanimation en cas de perte de connaissance, peut-on lire.
Dans cet autre article d’ Africa Check datant de 2019, on y découvre également les avis d’’autres experts médicaux sur la question, qui qualifient cette pratique de dangereuse pour la santé des malades.
Les risques de cette pratique
Non seulement cette méthode est inefficace, mais elle présente également des dangers graves :
- L’utilisation d’aiguilles non stérilisées dans les normes peut causer des infections.
- Une mauvaise manipulation du patient peut aggraver son état.
- Cela retarde l’intervention des services d’urgence, essentiels pour limiter les séquelles de l’AVC.
Que faire en cas d’AVC ?
Le temps est un facteur essentiel dans le traitement d’un accident vasculaire cérébral.
En présence de signes évocateurs d’un AVC , comme une diminution ou une perte de vision uni- ou bilatérale ; une difficulté de langage ou de la compréhension ; un mal de tête sévère, soudain et inhabituel, sans cause apparente ; une perte de l’équilibre, d’une instabilité de la marche ou de chutes inexpliquées, en particulier en association avec l’un des symptômes précédents, il est impératif d’agir rapidement :
- Appelez immédiatement les services d’urgence ou encouragez la famille à se rendre directement aux urgences
- Maintenez la personne en position semi-assise pour favoriser la circulation sanguine.
- Ne tentez aucun geste non validé médicalement.

Pour rappel, sachez que si une personne est victime d’un accident vasculaire cérébral, cela signifie que l’irrigation sanguine du cerveau est insuffisante, ce qui prive les cellules cérébrales d’oxygène. Chaque minute qui s’écoule pendant un AVC entraîne la perte de 1,9 million de cellules cérébrales. Plus la durée de l’AVC est longue, plus le risque d’invalidité ou de décès est élevé.
Sachez aussi que selon le journal The Lancet Neurology publié en 2021, l’AVC est resté la deuxième cause de décès (après les cardiopathies ischémiques) et la troisième cause d’AVCI (après les cardiopathies ischémiques et les maladies néonatales) parmi les maladies non transmissibles (MNT) au niveau mondial.
Conclusion : une vigilance accrue face aux fausses informations
Ce message viral sur Whatssap est un exemple de désinformation qui peut mettre des vies en danger. Il est crucial de s’appuyer sur des sources médicales fiables et de sensibiliser son entourage à ne pas relayer ce type de contenu non validé.
En cas d’AVC, seule une intervention rapide et médicalement encadrée peut sauver des vies et limiter les séquelles.
L’article est intéressant, merci pour le partage d’information